Il y avait l’idée de la porcelaine.
Il y avait l’idée du pendulaire qui, pour de triviales raisons, pension, travail, aventure, revient inlassablement dans la même gare, qu’il entreprend de décrire dans toutes ses dimensions, au fil des saisons, devient sa maison perpétuelle.
Il y avait l’idée, déclinée en trois parties, des méditations solitaires et inquiètes d’un VRP, représentant d’une grande maison de (quoi ?).
1. que les routes qui traversent les massifs, courent les plateaux, hachurent les forêts et coupent les cours d’eau, ne faisaient jamais qu’effleurer le monde et que, derrière la route, tout son long, dessous, de part et d’autre, dessus, s’étendaient les étendues comme les profondeurs, sauvages, grouillantes de mille aventures, d’effroi, de sexe, de sang, de courage, de fame et de réflexes.
2. que l’on s’émerveillât de ces longues traînées poisseuses de gros nuages noirs et gris et qui, s’épanchant dans l’espace, s’écorchant aux montagnes les plus hautes et escarpées, explosaient violemment en rivières, éboulis et foudres majestueuses, en dépit de nos petites vies contemporaines, personne qui ne comprenne rien de tout cela, quand même on parviendrait à les décrire, et dont nous ignorons superbement les mécaniques.
3. qu’enfin il souhaitable de ne pas sous-estimer le travail des saisons, de l’hiver à l’été, si l’on ne veut pas succomber à la tentation du suicide.
Il y avait l’idée de la maison suite de Fibonacci.
Il y avait l’idée d’un compartiment et des portraits, tantôt cruels tantôt tendres, de ses visiteurs : la jeune femme qui dort, un rictus semble soulever ses lèvres ; le couple mixte, elle qui se coiffe, lui qui lui tient le miroir, ce père avec ses enfants et son lot d’humiliations qui leur lègue, ces jeunes dans leur langue et leur malaise, ces amants à peine secrets, ces travailleurs, etc.
Il y avait l’idée de ces deux égarés que le hasard a placé voisins, se sont parlés et aujourd’hui s’entraînent en s’étonnant à devenir à nouveau amoureux ! L’avaient-ils usé, ce sentiment, l’avaient-ils égaré au fond d’une poche ou d’un placard, mais l’avaient-il réellement déjà connu ?
Il y avait l’idée de ce poète génial qui n’avait jamais rien écrit, se sentant incapable de le faire, noyé qu’il était de sa fulgurance, l’acier de ses constructions mentales, roulé par l’excellence de son talent, et pourtant inacceptable, de la machine en mouvement, et qui employait le plus clair de son temps à discréditer méticuleusement, méthodiquement, à éviter avec brio toute page blanche et tout instrument d’écriture, maniant avec la même dextérité à la fois l’ironie et l’impuissance, l’angoisse et le désir, tout cela dans un grand ramdam de tourne-à-vide…
Il y avait des idées, celles-ci et puis d’autres, mais manquait le temps pour les saisir.