J’allais chercher du fumier pour le jardin, hors de Rome, plus loin que la maison de campagne du président, plus loin que la mignotta, dans une ferme sur une petite colline toscane.
J’ai travaillé deux heures à remplir vingt sacs de fumier , puis je suis monté sur la colline. Les paysans, des Albanais, m’ont ouvert leur porte. Ils m’ont offert trois cigarettes, deux verres de vin, le repas (pâtes saucisses) et un café « pour qui travaille ». Nous avons parlé de la guerre 1. Mais surtout nous avons parlé.
Paix soit rendue aux bras de la courte faim ! Que je m’aperçoive de la bonté naturelle et du repos mérité ! Les champs, les bêtes et eux ne sont qu’un. Toutefois leur empreinte me restera gravée, ces trois puis quatre Albanais solitaires, loin de leur pays, proches de ses coutumes : la vie, l’homme, encore, qui donne ce qu’il n’a pas « pour qui travaille ». Dont les yeux pétillent.
J’étais leur protégé peut-être parce que lointain aussi, donc leur compatriote un temps, au milieu de l’italien du monde, étrange, incompréhensible, qui nous entourait.
On exhume des textes sauvés d’avant les internets. Celui-ci (#700) est daté d’avril 1999 et provient du ZS#06.
- C’était l’ignoble Kosovo. ↩