J’ai rêvé une nuit du Magasin. Un monde en soi, un contenu. Comment cela est agencé. Ce qu’il s’y passe. A quoi ça sert. Des phrases simples, des situations d’autant. Cartographier le lieu ne suffit plus : ici questionner l’habiter.
J’ai rêvé une nuit du Magasin. Mais une nuit lointaine, profonde. Un Magasin d’avant, d’auparavant, de jadis. J’étais un gamin, à peine fait, à peine mûr.
Je me rappelle de S. Quelques années de plus que moi. Mais à ces âges un gouffre.
La première fois. C’était… dans le Magasin…
Je me rappelle se S. et je me rappelle de tôles dans lesquelles on s’encastrait, un débarras de tôles, un fatras de modules fait de tôle comme de l’aluminium, des systèmes d’aération peut-être ou des filtres ou des moteur.
Avant on errait, comme les autres mômes, avec nos hardes — je n’ai aucun souvenir de quelconques parents, de quelconques amitiés, juste S.
Nos hardes nous donnaient à voir, aimantait nos corps. C’était libre et joyeux, la portée de notre méconnaissance n’était pas éraflée par notre appétit l’un de l’autre. Les autres sans doute ont vécu la même chose.
On devait se cacher, mais se cacher, pour tous les habitants du Magasin, c’était la routine personnelle ; il faut bien considérer que toute notre vie, comme celle de nos parents, consistait en une lumière fade, permanente, occultée seulement pas les nuits d’alcôve, écrasées par les drogues mixées aux espèces de brouets qui servaient de repas.
On se cachait donc, à la découverte de nous-même et c’était révélation réflexe, mais double, car pour chacun aussi c’était moyen de vérifier d’où l’on était.
Je me rappelle les éclats de froid des tôles, et tellement dures et raides, sur les parts nues de nos corps, qui contrastaient sévèrement avec les attentions douces et chaudes de notre curiosité. Je me rappelle les faisceaux de lumières, fins et brûlants, qui nous réveillaient à l’aube, alors que nous étions encore lovés l’un l’autre. Nous avions passé comme ça plusieurs semaines, plusieurs mois, peut-être plus, et puis les affectations (en différents secteurs du Magasin) nous séparèrent définitivem
[Le document s’arrête ici. La suite ne nous est pas connue.]