Annexe de Féroce, le Livre de Sara, en neuf morceaux.
Elle avait lu, pour écrire.
Mais elle est très vite lassée par les poètes officiels et les débiteurs du discours national et revendeurs d’aigreur et de chagrin. Quelque chose cloche.
Elle découvre les autres, les étrangers, les Dosto, les Kafkaiewski. Elle découvre ce Camus, qu’on ne semble guère goûter en famille.
Elle découvre la masse des auteurs du monde, et ils sont innombrables.
Un matin doux, noyé d’olivier, qui dans la cour de la propriété embaume sa de couleur, Sarah joue avec sa sœur, la petite, celle qui était bébé quand elle perdit la voix. Elle sait une chose que Sarah ne sait pas (mais suppose).
Elle possède son noyau.
Sarah possède aussi son noyau, ce livre de Kateb que lui a donné, offert, son oncle Yeo. Qui lui dira : Tu liras son livre à ton enfant, tu liras ce livre à l’enfant qui est en toi. Il t’en sera reconnaissant.
Mais sa sœur un jour, alors qu’elles jouent toutes les deux à la poupée sous le grand bel olivier de la cour1, sa sœur emballée par le récit la fiction lui dit à travers sa poupée de chiffon, Maman n’est pas contente, Maman est fâchée, et Papa est fâché aussi. Et tu n’est plus leur fille. Tu n’es pas leur fille, Maman et Papa ne sont pas ta Maman et ton Papa.
Sarah le prend comme un épieu dans son cœur, sa sœur ne fait même pas mine de lui parler, elle incarne dans le jeu des personnages qui la dépassent – elle est embarquée : elle lit ainsi son histoire dans les personnages de cette subite étrangère.
Elle sait ce qu’elle savait, elle lit ce qu’elle avait lu.
Elle doit maintenant fuir. Elle doit s’enfuir. Trouver sa maison. Trouver une maison.
C’est le chant de Sarah, la malnée, la malmenée. La malfamillée. La malfamée.
Sarah : la Taciturne ; la Solitaire.
Sarah la solaire. Elle lève les yeux et voit l’olivier qui balance doucement ses branches dans l’air bleu. Au sol cela fait un cercle parfait. Comme pour acquiescer au déroulement angulaire du récit, contrepoint – fidèle à lui.
- Les feuilles mortes faisaient les tuiles de la maison de bois, dont la poutre est racine. ↩