Annexe de Féroce, le Livre de Sara, en neuf morceaux.
Sarah sait et se morfond et se renfrogne. Un peu plus.
Tu vois la mer, la matière dont elle est faite ? Tu vois ses dimensions ? Tu vois ce qu’il se passe lorsqu’on jette une pierre au centre du miroir intact ? Tout cela c’est Sarah lorsqu’à douze ans elle fomente de fuir, de quitter cette famille cette maison cette ville.
Sa mère, l’aime-t-elle ? Sa mère, l’a-t-elle aimée ?
Son père, l’aime-t-il ? L’a-t-elle aimé ?
Elle ne sait plus, ce qui se produit en elle est de l’ordre de la catastrophe, ce qui se produit en elle est très littéralement de l’ordre de l’holocauste. Elle brûle, s’effondre, explose. Elle est ravagée, désastrée, détruite. Elle est annihilée, exterminée. Il n’y a pas de mot pour décrire sa souffrance.
Elle va fomenter encore, préparer chacun des détails, passer en revue tous les possibles, mesurer le moindre des risques et elle va s’en aller.
Elle va changer de visage – ce visage n’est pas le sien.
Elle va changer de monde – ce monde n’est pas le sien.
Elle va changer de nom – ce nom lui est étranger. Elle va perdre le H, se faire appeler Sara, sans H, sans le H de cette Humanité qui l’a trahie, méprisée, misérabilisée. Sans le H de la bombe, le H cette Histoire qui l’a violentée, violée, envulgairée. Le H de l’Homme.
Elle va renaître, Sarah, elle va renaître Sara.
Elle renaîtra.