Annexe de Féroce, le Livre de Sara, en neuf morceaux.
Telle est telle, telle, telle, l’histoire de Sarah, la malnée, la malmenée, la malfamille, la malfamée. La malaînée, la malaimée.
Avait-elle, Sarah, des frères ? Nul ne sait, mais les langues se délient… Ses frères étaient-ils ses frères ? Les langues, les langues des bouches qui ne savent se tenir, les langues se délient mais ne se remuent point jamais assez (c’est-à-dire sept fois) à travers les courbes du pinceau, de la plume sur le papier (cette ordonnance du secret), les langues se déchaînent dans la fureur excessive de la guerre.
On a trouvé Sarah l’enfant dans les ruines de la maison.
Le maître a parlé et évoquant le miracle, l’accueille en sa famille comme sa fille. Elle aura des frères, qui découvrent cette fille, belle à sept ans tout comme à vingt tout comme à cent.
Elle sera une bouche en plus et les bouches parlent.
Elle n’a pas de langue, déjà, sans doute soufflée, la parole, par le souffle de la bombe.
En cela vouée au silence, ou au secret du texte intérieur. Pas de revendications. Pas de plaintes. Jamais. Pas de bavardage.
Pas de protestation. Non plus.
La fille à la bombe ne peut jamais dire son mécontentement, son désaccord ni même sa peine, le chagrin qu’elle a et qui ne part pas, que la bombe, par effet, lui a dégueulé dessus. La bombe a parlé et l’a souillée.
La parole de la bombe, déliée, déchaînée, l’a – à jamais – enchaînée et enliée, elle, au silence qui vaut tacite reconduction, au silence de l’approbation, au silence sans auteur, sans responsabilité.
Enfant elle est, enfant, dénuée de parole, nue dans le silence, elle restera.
Pas de babil pour son âge, pas de berceuse pour sa nuit.
Pas de trêve, pas de trêve, jamais, pour l’enfant à la bombe, l’enfant de la guerre, c’est-à-dire l’enfant, c’est-à-dire la guerre.