L’incendie s’est déclaré peu après minuit, à l’heure évidente où plus rien ne bouge aisément.
L’odeur, puis le bruit des explosions, jetèrent les gens dans la rue, à observer. Trois véhicules de pompiers éclairaient les façades de leurs gyrophares. Les flammes jaillissaient avec force d’une fenêtre à plusieurs mètres de l’immeuble. Des milliers de litres d’eau furent déversés sur le feu.
Dans le quartier, les autorités de l’énergie électrique avaient coupé le courant partout. Nous réapprenions les ombres. Combien avons-nous perdu de secrets, d’imaginaire, de désir, en abandonnant les flammes des bougies. Qui éclairent les visages aux trois-quarts. Combien avons-nous perdu, abandonnant les miroirs mal dépolis qui nous offraient des visages flous et peu symétriques. Notre éclairage continuel et blafard, notre perpétuel souci de soi, le tout est autoritaire, combien cela grève-t-il non seulement nos imaginations, mais encore nos comportements communs.
L’incendie a eu cette opportunité : celle de se rappeler combien nos corps nus sont fragiles dans la nuit, et quelles facultés cela comporte.