L’auberge, via Constanzi, possède, malgré de nombreux autres désagréments l’insigne avantage de surplomber, littéralement, la ville, le port. (Ce qui n’est pas une mince affaire à Gênes. Ce qui est néanmoins le lot de la dernière frange des édifices – bien que chaque construction surplombe de fait une autre construction. Sauf la Sopraelevata, sans doute,…
Auteur/autrice : Benoît Vincent
De ma fenêtre, 2
De ma fenêtre il y a tout Gênes. Le fait qu’une maison, un immeuble, un édifice quelconque possède 1, 8 ou 15 étages importe peu à Gênes. Les « quote » du terrain sont tellement chaotiques que l’on peut aussi bien être au rez-de-chaussé et surplomber les plus grands immeubles. Ma chambre (ma deuxième chambre) possède deux…
Le gris nuancé
Le temps de décembre est si mouvementé (maltempo lit-on ou entend-on dire un peu partout) et le ciel si bas, que les eaux de la mer (surtout celles du port qui ne sont sans doute pas les plus pures) sont d’un cuivre hésitant tout le jour, puis abandonnent tout à fait entre le marronnasse du…
Note sur le voyage
Elle dit : Ce qui est rassurant c’est de voir comment partir, comme ça, pour écrire, rend les gens à qui on en parle mal à l’aise, dérange, inquiète. C’est rassurant que l’écriture inquiète. Et moi : Je ne sais pas si c’est d’être loin et seul (et dans une langue étrangère dans une ville…
Echos
L’écho de mes pas rentrait dans la rue, me suivait, me dépassait, allait l’atteindre. Ils enflaient, ils enflaient, ils nous enveloppaient comme pour nous relier, moi et cette forme haletante, plus avant, mais qui restait fermée, craintive peut-être, mais de quoi ? Ses pas à elle étaient étouffés, comme si rien sur elle ne pesaient,…
On ne lit pas de livres
On ne lit pas les livres. Voilà ce que je dis : les livres, on ne les lit pas. On les survole pour trouver ce qui nous fait plaisir, mais ce qui nous dérange, nous l’éludons. (Idem parfois avec les circonstances de la vie, ou même les personnes.) Je lis dans un livre (AM 9-10,…
Trois rêves
Je marche avec ma fille sur les Plaines, parsemée de pommiers, je pense, de vergers isolés. Nous arrivons à l’ombre de l’un de ces arbres ; de grandes fleurs roses-pourpres, en grand nombre ; je n’en ai presque jamais vu, dans ma vie, mais ils me semblaient aussi communs et connus que des pâquerettes. « Des…
Parvenir à se défaire
Parvenir à se défaire non seulement de tout, mais plus encore, de tout ce qui tient, retient, détient. Parvenir à ne plus rien détenir. Parvenir à laisser vivre, au fond de nous, ce qui-vive inquiet, ce sentiment d’être toujours aux aguets.
Des cages de mots
Les deux filles dormaient, la fenêtre sans perspective, blafarde, luisait. Des mots faisaient des tours sur lesquelles d’autres veillaient, à la ronde. D’autres enfin, dedans, s’arrachaient des parois sur lesquelles ils se projetaient. D’autres à l’écart geignaient. D’autres ne faisaient que feindre. Telles étaient les attentions, au moment où, sans dictionnaire, les langues babéliennes ruminaient,…
Edgar Morin
Amener dans ses poches les plissures des yeux d’un sage, large de gestes et jusqu’à nous bon. M. nous dit qu’il a 87 ans, mais il en paraît largement quinze de moins. De lui je conserve toujours avec moi l’idée simple que le monde, étant complexe, nous engage à déplacer les lignes, les paroles ;…