[Voyage en chambre] Quel plaisir n’ai je pas, je vous le dis, à rester assis avec un livre jusqu’au crépuscule venant, jusqu’à ce que je ne puisse plus rien déchiffrer… que mes pensées commencent à tourner en rond1… Voyez-vous, comme je vous le disais, le livre n’est pas simplement un corps de matière, un…
Auteur/autrice : Benoît Vincent
Vorace §31
[La fusion, la confusion] Ma voisine de palier, Ms Abigail Arbogast, est, voyez-vous donc, d’origine britannique, galloise, je crois, du côté de son père. Elle enseigne la théorie harmonique et l’art du contrepoint à Steinhardt. Nous nous sommes connus aux réunions de copropriété, et nous avons sympathisé. Elle voulait à tout prix que j’intègre…
Vorace §26
Quelque chose me chiffonne — c’est le cas de le dire — j’y pense à présent. Pour enlever une tache de la couverture d’un livre, j’utilise l’ongle de mon pouce, et insensiblement, mais inexorablement, je marque cette couverture d’une embosse indélébile. C’est pareil lorsque je souligne un passage dans un paragraphe ou corne une page…
Vorace §65
[Le commentaire et son double] Lors de mes nuitées enfiévrées, où je suis assailli de questions, de situations et de paroles, je me lève parfois pour me rafraîchir ou assouvir des besoins naturels, ou fermer un carreau. Je déambule chez moi alors comme un zombie, un étranger, un monstre presque. C’est comme si je…
Maisusine — Bobines 08
Je terminais un précédent texte sur l’étonnement, l’étonnement qu’à considérer (sic) en quelque sorte à égale distance (sic) tous les chantiers en cours, d’a priori imperceptibles fils les reliaient ; a première vue, c’était une espèce d’anastomose : les chantiers contemporains se chevauchaient, et certains bavaient sur d’autres, manquaient leur singularité, et ce constat me…
Vorace §13
[Lire, écrire] Je n’ai que mon corps. Je n’ai que mon corps, pour lire, sans aucune gloire pour l’habiller, sans richesse aucune pour l’épuiser, sans talent pour m’en défaire. Tout part donc de ce corps, une physis et une psyché, j’insiste pour associer les deux dimensions de manière contemporaine, pour les comprendre donc, et…
Vorace §97
[Le commentaire comme dehors] L’été, dans les immeubles très collectifs comme le mien, au cœur de cette grande ville, les intimités sont malheureusement poreuses comme les persiennes baillent et les vitrages battent mollement sur leur chambranle. À des heures imprécises, mais toujours saugrenues, littéralement, étymologiquement attesté, diverses odeurs de cuisine glissent, ou plus souvent…
Archivive — Derrida, la Vivante
Retour à l’Imec pour une dernière phase avant l’été. Je repasse les herbes de tout le domaine, je note les nouveautés, les estivales — en particulier, belle croissance de Picris, de Crépis et tout une jonchaie naine de Joncs des crapauds. D’ailleurs, ainsi, les bêtes : la nichoule, comme on dit chez moi, l’effraie,…
La putain d’usine – Bobines 07
« Putain d’usine », « la putain d’usine », « dans la putain d’usine », « à la putain d’usine »… Combien de fois aurons-nous (et nous est important ici), aurons-nous entendu ces mots dans la bouche de ma mère. Ma mère, cariatide furieuse contre l’usine, contre l’usine comme bâtiment ou comme travail, mais surtout contre l’usine-symbole, l’usine-figure, et tout ce qu’elle…
Litière de fortune [Pays d’Aix]
Pour le boulot, je sillonne les routes et me gare n’importe où, et les dévale et remonte comme saumons les rivières. Ce jour, entre Luynes et Gardanne, je me gare dans un recoin de poussière. Il a plu longtemps, mais c’est comme une éponge : déjà tout est volatile, les essences comme les esprits. Là…