École de la nature et du paysage
Celui qui compta les grains de blé
Celle qui n’a pas bouger, mais qui voyage au bout du monde
Celle qui nous a légué sa confiture de fraise
Celui qui travaillait dur, mort de la pollution et de la cigarette
Celle qui vient du sud et qui a gardé ses portes grandes ouvertes jusqu’au bout
Celui qui prenait des photos, et avait une radio. Il savait piloter les avions
Celui qui avait une imprimerie en Picardie
Celle qui a travaillé, jusqu’à sa mort, qui nous offrait un sirop de cassis à chaque visite
Celui qui vendait de l’alcool, même la nuit
Ceux qui avait un cerisier, aux fruits jaunes
Celui qui refusa que sa fille fasse des études
Celle qui était effacée
Celui dont on ne sait rien
David, 2021
*
Celui qui ne peut plus entendre les talons d’une femme claquer dans un couloir sans entendre ceux des
soldats allemands à Paris et qui a été le premier amour de Brigitte Bardot.
Celle qui tressait le jonc nuit et jour, jour et nuit, avant de donner ses coquilles d’huitres aux poules.
Celui qui après avoir cassé et vandalisé des maisons et semé les policiers sur sa mobylette trafiquée, a
décidé de devenir le plus honnête des hommes.
Celui qui garde son calme en toute circonstance sauf quand quelqu’un parle mal de sa femme.
Celle qui est devenue architecte en Italie fasciste après des années passée au couvent, et qui a migré en
Suisse puis en France avec ses cinq enfants.
Celui qui buvait, buvait, puis buvait encore, buvait toujours plus et dont le foie a fini par lâcher.
Celle qui s’est éteinte un beau matin d’août 2012 à l’aube de ses 105 ans.
Celles qui m’ont transmises leur caractère, leur feu, leur passion pour les gens et pour la vie et que je ne
remercie pas assez.
Celle dont je ne sais rien à part le prénom.
Celui qui m’est encore inconnu.
Eléa, 2021
*
Celle qui s’occupera toujours de nous tant qu’elle le pourra.
Tu m’appelle une fois bien arrivée ? Allez bisou.
Celui qui râle tout le temps mais qui fait quand même.
ENCORE ???
Celles qui m’ont appris la peinture, les mercredis après l’école.
Dans un vieux grenier lumineux. Poussières dans l’air. Thé à la bergamote. Térébenthine.
Celui qui m’a appris à faire du vélo sans jamais savoir en faire.
Blessures de guerre, pansements et gravillons.
Celui qui avait l’accent de sa campagne, et qui roulait les r.
Gâteau à la cuiller dans un verre de vin rouge.
Celui qui préférait boire plutôt que de s’occuper de sa famille et celle qui recevait ses coups avant de s’enfuir.
Silence dans la famille. Plaie béante dans ces chairs tourmentées.
Celle qui est morte en couche et celui sur la photo jaunie.
Visages pâles, cheveux ondulés et regard silencieux. Souvenirs d’un passé érodé.
Celle qui les a abandonnés. Celui qui ne les a jamais connus.
Vous savez, c’est ce qu’on dit dans le village…
Coline, 2021
*
Celui qui saisissait la mer du bout du pinceau, couchant avec acharnement l’écume nacrée sur ses toiles huileuses. Lui, baignant jour et nuit dans les vapeurs d’essence de térébenthine, enchaînant les Gitanes du bout de ses doigts fatigués.
Celle qui était couturière, aux travaux d’orfèvre, et qui fut condamnée par l’arthrose aux tâches ménagères.
Celui qui labourait les champs sous le soleil brûlant d’Italie, les mains calleuses et le visage abimé par la vie.
Celle qui passa à travers un abribus, un aquarium et que sais-je encore, à force de se balancer en arrière sur les assises.
Celle qui échappa aux violences familiales grâce à la littérature, qui y trouva un foyer salvateur et y puisa le courage et la volonté d’aller voir ailleurs.
Celui qui rêvait de vivre en ascète au sein d’un buron, accompagné de Spinoza et Deleuze et qui finit instituteur en petite section à raconter roule-galette.
Celui qui vivait la tête dans les étoiles et me parlait des astres, qui passait ses journées dans un grenier réaménagé à calculer des trajectoires et m’offrait des images de comètes lorsqu’il ne parlait pas du ciel, son paradis.
Inès, 2021