« et plus loin qu’il permette à l’homme d’être suivant l’occasion » (Jean Paulhan, inédit)
Les derniers jours de résidence sont toujours un peu bizarres, entre la précipitation et les démarches administratives de départ (rendre le vélo, rendre la guitare, programmer le taxi, prendre les billets de train, saluer les uns et les autres etc.), le sentiment qui pèse sur tout ce qui touche à sa fin (je n’irai pas jusqu’à parler de nostalgie mais tout de même), l’urgence, ici, de terminer la consultation des archives à temps (des archives à temps, des archives à temps, cette expression), et la sensation fugace (comme un fumet d’eau noire) que tout ça est inutile…
Lors d’une rencontre avec des jeunes du centre de loisir sur le vivant (et donc le mourant), j’ai voulu débuter en leur faisant écouter Carlo Brant, dans Kaamelott, qui est Méléagant, la Réponse :
Tout cela n’est rien. Absolument rien ! Il y a peu de temps quelque chose a fait « Boum ». Voila, nous sommes sur une toute petite miette expulsée par ce boum, qui dérive et tournicote sur elle-même, en attendant sa fin, proche ! Sur cette miette de tous petits organismes gesticulent ; ça naît, ça vit, et ça meurt! Tout cela n’a aucune conséquence.
Le dernier jour, Livre V
C’est un présupposé. Un peu raide peut-être, mais je ne suis pas en désaccord. Je ne leur ai toutefois pas fait écouter, je me suis dit que c’était trop brutal. Surtout que Lancelot enchaîne : » Et Dieu dans tout ça ? » Bref.
Naître, vivre, mourir, voilà pourtant la définition du vivant, la plus synthétique et dénominatrice commune. Ce n’est pas le mouvement, ce n’est pas la parole qui définit le vivant. C’est que ça naît (de parents, mais plus justement encore, du vide : de rien de l’un naît l’un — de deux divisés en deux et recomposés en un, par la reproduction, la méiose et la mitose –), que ça doit se débrouiller pour continuer à vitre, par la respiration et la nutrition, et enfin : que ça meurt. Aussi bien cela fait tout ça sans s’en rendre compte, ou bien, comme nous humains, cela le fait avec conscience et, de fait, beaucoup de tergiversations et d’atermoiements. Il est vrai qu’on peut manger sans faim et forniquer sans se reproduire. Et qu’on respire par réflexe, d’ailleurs.
Car l’être humain, si cela ne suffisait pas, mime le monde, il le double ; la doublure du langage démultiplie les réalités, les copie-colle. Il redouble le monde.
On arrive presque à naître sur commande ; bientôt la mort.
Mais enfin… ce que j’ai un peu échoué à dire, c’est