Je suis particulièrement heureux de recevoir ce mois-ci Olivier Hodasava qui a lancé ce beau projet, Dreamlands. Je le suis d’autant plus car, en faisant des recherches sur la littérature géographique, je suis tombé il y a quelques mois sur son site, et que via relayage sur Twitter et Facebook, celui-ci a acquis une notoriété auprès de notre petite communauté. Je suis donc doublement fier de m’inscrire chez lui (à cette adresse) et de l’accueillir sur Ambo i lati, autour de clichés qu’il a pris dans son voyage sullo scill’e cariddi.
Scylla pousse d’affreux rugissements, sa voix est semblable à celle d’un jeune lion ; et personne ne se réjouit à la vue de ce monstre terrible, pas même un dieu ! Scylla possède douze griffes horribles et six cous d’une longueur démesurée ; à chacun d’eux est attachée une tète effrayante où paraît une triple rangée de dents serrées et nombreuses, sur lesquelles siège le noir trépas. Le milieu de son corps est plongé dans la vaste caverne, ce monstre ne fait sortir du gouffre que ses têtes hideuses ; il les promène autour de l’écueil, puis saisit et dévore les dauphins, les chiens de mer et les énormes baleines que nourrit par milliers la bruyante Amphitrite. Aucun nautonier ne se glorifie d’avoir échappé sain et sauf aux fureurs de ce monstre terrible, car Scylla saisit toujours un homme par chacune de ses têtes et l’enlève de son navire à la proue azurée.
Ulysse, l’autre écueil que tu verras est plus bas, très près de l’autre, et à la portée des flèches. A son sommet s’élève un figuier chargé de feuilles ; au-dessous de ce figuier est la formidable Charybde, qui engloutit sans cesse l’onde noire : trois fois par jour et elle la rejette, et trois fois encore elle l’avale en poussant des mugissements effroyables. Qu’il ne t’arrive donc point de passer en ces lieux lorsque Charybde absorbe les eaux de la mer ; car nul ne pourrait t’arracher à la mort, pas même le puissant Neptune. Rapproche-toi de Scylla et dirige ton navire en effleurant l’écueil. Il vaut mieux regretter six compagnons que de les voir périr tous ensemble.
J’adresse aussitôt à Circé ces paroles :
« Déesse, dis-moi toute la vérité. Si j’évite la funeste Charybde, pourrai-je combattre l’autre monstre quand il attaquera mes guerriers ? »
La plus noble des déesses me répond en ces termes :
« Malheureux, tu songes donc encore aux fatigues et aux périls de la guerre ! Quoi ! tu ne veux point le céder aux dieux mêmes ! Sache donc alors que Scylla ne peut être privée de la vie : elle est immortelle. Scylla est un monstre terrible, sauvage, cruel, qu’on ne peut combattre ; il est impossible de se défendre contre elle, et le plus sûr est de fuir. Si tu restes auprès de Scylla pour lutter avec elle, je crains bien que, s’élançant de nouveau, elle n’engloutisse autant de guerriers qu’elle a de têtes. Navigue donc avec vitesse, en implorant la mère de Scylla, Cratais, qui donna le jour à ce fléau ; elle empêchera peut-être le monstre de s’élancer sur vous tous. »
Homère, Odyssée, chant XII
Les photos ci-dessus ont été réalisées dans le détroit de Messine (entre Charybde et Scylla) avec l’application Street View de Google Maps.
La première image de chacune des séries a été prise à Villa San Giovanni (sur le continent), la seconde à Messine (en Sicile).