Très honoré d’accueillir Daniel Bourrion pour ces Vases Communicants dont je suis avidement le très beau site, Face écran depuis longtemps. Un monde à part, voilà ce qu’il bâtit, une poésie qui œuvre dans la dynamique. Ce qui me plait et fascine particulièrement dans la voix désabusée et pertinente, c’est l’usage de l’imparfait. Comme si c’était l’imparfait, notre condition même, et plus qu’un temps : un mode. Pour la fiction. Pour la langue poétique de fiction. Nous avons échangé des images, sur lesquelles nous avons écrit. Mon texte, chez lui, Briser la glace.
On arrachait une à une les couches superposées et ce depuis des jours maintenant, nous relayant quand nous n’en pouvions plus, que nos doigts commençaient à rechigner, nos ongles à saigner, nos biceps à trembler tellement que nous ne parvenions plus à saisir les lambeaux pour en déchiqueter ce que nous pouvions. La nuit, cela ne cessait pas non plus, notre nombre permettant que chaque minute des heures sombres soit consacrée à poursuivre cette tâche commencée maintenant depuis si longtemps qu’il nous semblait, lorsque nous sortions du sommeil et des rêves où le travail continuait encore, que cela avait duré toujours.
Il avait fallu s’organiser quand les premiers étaient tombés sous les effets conjugués de la fatigue et de la faim. Après bien des débats, nous avions décidé de manger ce que nous pouvions du papier gagné sur la paroi. Cela aidait un peu, même si les choses semblaient ne pas avancer quand chaque parcelle découverte révélait une nouvelle couche, on pensait presque, une peau, dont nous entreprenions aussitôt la lacération.
Les motifs mis à nu n’avaient maintenant plus aucun sens et même si tel avait été le cas, nous n’en étions plus là, à tenter de comprendre : nous voulions juste arriver au point où ce que nous trouverions dessous serait de béton, ne serait-ce que pour prouver à certains d’entre nous que ce cauchemar avait une fin.
Echo à 19 francs, écho à L’occupation des sols de Jean Echenoz
Tous les Vases communicants de mars : http://rendezvousdesvases.blogspot.com. Merci Brigitte !