Il y en aura plusieurs, j’en suis persuadé, alors d’emblée je mets ce numéro.
Ecrire.
Une page d’écriture pour laver du jour. Lessiver le quotidien, les poussières, et même le jour, je veux dire en cela les éclats du jour, les ombres, les cassures, les douleurs qui se ramifient avec le jour.
Une page d’écriture pour amener un peu d’espace. Pour délimiter. Pour monter un volume, étendre une ligne, perforer un point. C’est-à-dire, retrouver un certain souffle, souffle de la marche qu’il faut éprouver quelques centaines de mètres. On va alors pouvoir ployer sous les mots. Mais il faut du blanc (je ne dis pas du vide) pour ça.
Une page d’écriture pour écrire, d’abord avec difficulté, avec labeur et lenteur, puis le silence et l’arrêt qui marque l’impatience ou la recherche impatiente du mot, je veux dire l’arrêt, je veux dire l’arrêt qui ne trouve rien, l’arrêt sur le bout de la langue, va se muer en un arrêt différent, un silence ou un délai propice à la création, plutôt, car ce mot ne dit rien, à la concentration.
Laisser parler cette voix en soi. L’entendre et la faire parler. En ce sens un peu pute, un peu chasseur, un peu prédateur.
Non, création ne dit rien, tout au plus se met-on à l’écoute, et tout au plus on traduit. On est récepteur ; décodeur ; serveur ; hub.
On est comme ces images anciennes des opératrices qui parlaient devant un grand tableau de prises d’où s’échappaient des liasses de fils et reliaient entre eux des usagers chanceux de téléphone. C’est à peu près ce qu’on fait, quand on s’assoie devant du blanc – papier, écran ou même dans la neige, où les yeux fermés, ou au cinéma. On transmets. On traduit. On transforme. D’ailleurs. Pas de fidélité possible. Basse fidélité. Erreurs probables. Barbarismes et contresens admis. Encouragés. Ça démontre qu’il n’y a pas de langue à l’art. Ca fait des idiots. Je suis un idiot. On y revient. Voilà, je parle, divague, hanté, envahi, c’est l’idiot qui parle en moi. C’est ça ma parole. Pas de parole. Un idiome.
Un grand idiome, c’est la quatrième page d’écriture. Le délire, le délié, le schizo. Voilà. C’est Artaud.
C’est ça.
C’est ça.