Où l’on apprend que…
§ Le monde est trop tissé, trop étayé, trop bien su et connu et trop décrit pour ne pas décider de s’en extraire. Ce que nous disent les livres, c’est les gouffres qu’on a dedans, ceux qui malgré tout ne nous empêchent pas de tenir debout.
§ Les livres nous détournent du monde et c’est tant mieux. Il n’y a rien de bon dans le monde… non, ce n’est pas ça… il n’y a rien de secret ; voilà. Il n’y a rien de secret, tout est dit. Les livres creusent des poches de silence dans le monde qui est trop bavard, trop visible. Non, monsieur. Nous ce n’est pas la vérité qu’on recherche (sinon on écrirait de l’autofiction peut-être) ou qu’on mime, nous ce qu’on cherche c’est le vraisemblable. C’est sûr qu’on évolue dans un univers dangereux où le mensonge est très présent, très patient. Il n’est pas le seul, mais il n’est pas chassé, ici.
§ On n’est pas là pour dire des choses comme pourraient le faire des journalistes dignes de ce nom, s’il en existait, ou des chercheurs des scientifiques, s’ils n’étaient pas tous saoulés aux résultats. Nous sommes là pour donner un éclairage nouveau au rêche des choses, de sorte que ce qui paraissait dénué d’aspérité devienne grumeleux, interstice, piège. Le monde n’est ni blanc, ni brillant, ni lisse. Le monde n’est pas une photographie. Et nous ne photographions pas le monde. Nous on plante des seringues là où d’autres calent des étais. On secoue là où d’autres caressent. On avive par le feu, là où d’autres embaument par l’indifférence. Tu veux savoir de quoi elle est faite, notre tâche ? De la sincérité. On n’est pas là pour dire la vérité. On est là pour rendre une vérité acceptable. C’est-à-dire touchante.