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(L’homme est seul, toujours sur la chaise, au centre de la scène. Lumière blafarde. Il est évanoui. La tête tombée sur la poitrine. On entend des pas, des portes qui claquent. Le bruit comme d’un charriot lourd qui roule sur un parquet. Un grincement. Noir soudain dans un grand claquement.)
Eh bien soit ! Oui, puisque vous insistez, puisque vous voulez de force me mettre ces mots dans la bouche et ces idées dans la tête, oui, c’est moi qui ai posé la bombe à la gare centrale.
Et puis quoi ?
Vous êtes satisfaits ? Vous avez eu ce que vous vouliez ?
Oui, c’est moi qui par cinq fois ai porté atteinte à la vie du Général. Oui.
C’est moi qui ai renversé cette vieille femme à Constantine. Je me suis enfui, oui, des brindilles de son faix sont restées coincées sur le pare-brise, et oui, des lambeaux de son sarrau au pare-choc.
C’est moi qui ai assassiné Boulard, et Mechkrite. Et Seamus.
Oui, et à dix ans j’ai sciemment brisé les quatre petites pattes de la petite chienne de mon voisin.
Tout ça c’est moi, et qu’avez-vous appris ?
Vous saviez déjà tout ça non ? Et plus encore ! Car voyez-vous, par votre engouement, vous avez ouvert les vannes. Par votre méticuleuse patience, vous avez insufflé ce corps. Vous avez projeté ces mots dans sa bouche. Vous avez fabriqué un monstre.
Vous avez gagné, mais êtes-vous satisfaits ?
Vous n’avez fait que provoquer cela, le malheur, la mort, la désolation. C’est vous qui agitiez ma main, c’est vous qui contrôliez mes pas. C’est vous qui avez fait tout cela. Reconnaissez-le. Ecoutez-moi ! Regardez-moi ! C’est vous qui avez tué Boulard, c’est vous qui avez fomenté la révolution. C’est vous qui avait fait dérailler ce train.
Des centaines de morts, des hectares de tourments, des litres d’affliction. Et vous osez gonfler le poitrail ? Justice est faite ? Pauvres types, va !
(Noir)