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Le type dit : Roger, je ne sais pas ce que tu veux dire. Je comprends une dimension, deux dimensions, trois ça devient compliqué, mais sept ? Je veux dire : je suis un gars de la campagne, moi, il faut me parler avec des mots simples.
Le même gars : Je suis le claviériste qui a joué le plus longtemps avec Prince, mais en quelque sorte je suis le plus mauvais. Je ne sais pas comment je suis arrivé là, ni comment je suis resté. Même si je sais pourquoi, je ne me lève pas un matin sans me poser la question.
Le pathos imprègne le corps même de Morris Hayes, il enrobe la sobriété naturelle du musicien – que les gens confondent généralement avec la modestie. Intégré en effet au moment où je découvrais moi aussi celui qui allait devenir l’Artiste, l’artiste sans nom, notamment à travers les morceaux de l’album sous-estimé Viens, où on peut lire, sur la pochette, sous le titre et le nom, les dates 1958-1994.
Prince a donc laissé son nom l’année précédente, avec l’album holo- ou éponyme (cette fois on ne sait pas comment dire : isonyme), fait unique et original dans l’histoire de l’art. Cette partie de sa vie, cette personne qu’il a été, il ne l’est plus. Nous y reviendrons.
C’est dans cette confusion que Morris Hayes arrive. Vingt ans plus tard, il est directeur musical de Prince (qui a recouvré son nom). Comment se fait-il que Prince ait besoin d’un directeur musical ? Qui est Morris Hayes, qui a intégré le NPG durant l’Acte II Tour (la deuxième partie de la tournée suivant, précisément, l’album au symbole) et qui, lorsque Prince sera cette fois définitivement passé de l’autre côté, dirigera l’hommage des anciens membres des différentes formations du NPG ?
L’homme de confiance de Prince, du Prince… du Prince le grand vizir, du Prince le premier ministre.
Musicologie : Prince, Roger Nelson Prince que chacun considère comme un génie, qui a régné sur la musique populaire un temps, aux côtés de Madonna et Michael Jackson, le Prince est tombé.
En 1994 il engage une procédure avec la maison de disque majeure, et renie son propre nom. Sur la pochette de l’album Viens, on voit sa tombe. Prince se fait désormais appeler L’Artiste Autrefois Connu Sous le Nom de Prince (abrégé AACSNP), et plus généralement L’Artiste tout court. Mais plus prosaïquement il est devenu un symbole imprononçable, .
C’est une fiction qui débute.
En 1996 meurt son fils (syndrome de Pfeiffer), ce qui pousse le jeune couple qu’il forme avec Mayté Garcia à la rupture en 2000. En 2001 il épouse discrètement Manuela Testollini, mais le couple divorcera en 2006. C’est également en 2001 qu’il devient témoin de Jéhovah, pour le meilleur et pour le pire. Connu à travers le monde, mais pourquoi ne pas se satisfaire du ciel et de la terre ?
Prince entame alors une décennie forcenée, enchaînant publications et spectacles, en quête d’une vérité peut-être, sans nécessairement rechercher le succès toutefois (le recevant parfois comme Musicologie et 3121, parfois moins). Il va ainsi se mettre à tourner intensément, revisitant son répertoire, mais aussi le répertoire de la musique populaire, afro-américaine mais pas seulement. Il s’entoure de deux guides spirituels, le bassiste de Sly Stone Larry Graham (qui l’a porté chez les Témoins) et Maceo Parker. Il forme un groupe qui s’extirpe pratiquement de la new-wave un peu trash pour revêtir un évident parfum jazz.
Et il pose les bases, dans diverses émissions de télévision savamment choisies, de son art musical, musicologie. En réalité cette année 2004 marque la véritable renaissance de l’artiste, qui désormais peut se faire appeler Prince. Ce fut un long retour, depuis Emancipation ! en 1993 pour passer à nouveau par le voyage initiatique des Enfants arc-en-ciel (1999), puis coup sur coup, disques en concert, aventurages jazz et fusion, et, contemporainement de Musicologie, deux albums digitaux sur son site, qui sont aussi méconnus que tout à fait étonnants (L’invention chocolat et L’abattoir).
On ne compte plus alors les références à d’autres artistes dans les textes de Prince. Et on peine à garder le compte de ses chansons.
Ce qui est certain c’est que cette Éducation musicale n’est pas indépendante ni de la biographie ni de la foi du bonhomme. Ainsi si on veut pouvoir danser sur les rythmes du maître, du prince, il faudra accepter ce drôle de mélange de dorure de parfum et d’acier, qu’il a lui-même patiemment élaboré, seul, le plus souvent, dans son propre complexe de production, sa propre Matrice (il se réfère souvent au film), Paisley Park.
Musicologie, c’est un disque et un morceau, mais en réalité c’est aussi un lieu (la scène en forme de love symbole <-J-o), un état d'esprit, et un silence. Le silence qui sied à l'expression du corps, danse ou non. Que la soirée continue comme je t’ai dit / Remue les plans du bon vieux temps avec tes soldats du vrai fonque. Musicologie !
Et cette science, ce talent plutôt, avec intellect et savoir-faire est évidemment une mystique, qui associe, dans une même geste, l’amour et la révélation, puisque depuis 7 (et même avant), et jusqu’à l’Instant éternel (et bien après), c’est de cette équation, cette réaction chimique plutôt, qu’il est question, ne jamais se laisser voler l’éternel instant : rejoins la danse, fais du bruit, dispense la parole, la bonne nouvelle, ce qui à première vue est aussi lénifiant qu’incongru. Nous sommes tous dans les minéraux et les espèces chimiques de l’espace que tu tiens dans le ventre.
L’amour (mais l’amour physique ?), le boucan et la sueur bien noirs, la jouissance du moment présent pour atteindre à la fois la paix de l’âme ou le paradis, l’éternité ? Qu’on nous laisse avec nos artefacts, c’est une histoire qui commence indéfiniment.
Chaque comprimé, chaque cigarette, chaque morceau de musique est un monde, un ventre. Chaque herbe, ou chaque cellule ne pense qu’à soi. Un monde est limité, c’est une frontière partout, une enceinte. Mais cette finitude ne cesse de renaître, de revenir. Reculez, reculez ! Ne touchez pas à ma chaîne, c’est mes disques ! Ne vous avisez pas de toucher à mes disques ! Mes disques
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