Un texte de Pistes et sillages, une série de textes poétiques nés de l’écoute des préférés de la discothèque. Base d’improvisation, ou simplement paysage et divagation. Une anthologie.
{à partir de Kids See Ghosts, Kids See Ghots, 2018}
Sentir l’amour
À deux c’est plus facile.
Sentir l’amour.
Code de l’amour, protocole de la drague ?
Bouquets de fleurs arrachés, bijoux volés, encens distillés ?
Pan. Pan pan pan pan.
Pan l’amour pan.
Pan le corps pan.
Pan la tête pan.
Pan le minois pan.
Pan pan pan pan.
Pan pan pan pan.
Ratata pan.
Feu
Je me balade sur la grand-place,
enterrée, déserte,
sableuse.
Je ne devrais pas être là, parce que
l’horaire est dépassé,
mais le gardien ne m’a pas vu
La pluie a brûlé
à présent, le soleil a fait
des auréoles au sol
On dirait des cicatrices
qu’est-ce que
je fais là
4e dimension
Parce que la nôtre, d’histoire, se déroule vers l’arrière, tu as compris.
En noir et blanc, presque muet. Bègue ou muet quelle différence ?
Notre histoire ne parvient pas à se sortir du puits où elle s’est précipitée, à dénouer les nœuds qu’elle a érigés comme des phalanges qui viennent heurter des portes lourdes de bois.
Heurtoir heurtoir tes mains comme des planches.
À moins que ce ne soit qu’un rêve, non pas un rêve mais un monde dans lequel je me suis laissé enfermer, une illusion. Juste une illusion. Hou-ou ah-haa.
Il faudrait un moyen d’en sortir.
Liiibre
Finalement libre.
Comme je vous laissais dans un cinématographe rouillé, décimé, j’ai laissé courir la bande. Je me suis roulé en elle, me suis laisser rouler-enrouler.
J’ai repassé tous les plans, et j’ai compris.
J’ai déconstruit le puits. Dénoué les nœuds. J’ai tâché de me sortir.
Né à nouveau
Un temps, temps d’avance
ce qui tient en haleine, en haleine
l’astuce
puisque c’est mourir
qui pousse et pas
naître
Naître non,
à rebours se vit
la vie.
Gamins voient fantômes
Comme on vient de dire, jeune homme : inventaire.
La même scène revient, hante, tu t’es fait un poing qui serre fort cette vieille page
blanche
On tourne autour la plupart du temps, mais la nuit, les chats sont gris, et moi.
La chambre que j’ai construite dans ma chambre, le lit, le placard, où je me réfugie parfois, j’y projette, le vieux n’avait pas tort, j’y projette. Ce n’est pas le cinématographe qu’il faut laisser, c’est les ouvreuses qu’il faut virer.
Le film, lui, tourne, et tournant, il peut aussi bien tourner à l’envers, ça ne sert à rien.
Je vois l’image, un peu floue, un peu grainée, un peu flottante, évanescente, fluorescente. Eh bien ? Les spectateurs sont assis, et ne bougent plus. Saisis. Que devient le film si je me lève, le regarde en me déplaçant ? Si je lui tourne le dos ? Si je sors de la salle ?
Que se passe-t-il dans un cinéma quand il n’y a aucun spectateur ?
Personne ne sait.
Personne ne sait ce qu’il y a derrière l’écran. Personne ne connaît rien d’autre que la surface.
Ils viennent nous dire ça. Ils viennent exprès nous rappeler.
Nous rappeler qu’il y a un cinéma vide, un interstice entre l’écran et le mur, un interstice entre le masque et la chair. L’acteur fait ce qu’il peut. Il tends les filins, les étais entre le masque et la chair.
Entre le masque et la chair, ils nous rappellent.
Ils nous rappellent.
Cudi montage
Quatrième mur, il est crevé comme une toile, un papier japonais, battoir, battoir, heurtoir, heurtoir.
Je me vois sur sa face, me recule dans cette autre, me vomit en cet autre encore, regarde dedans celui-là, donne une impulsion à celle-ci. Heurtoir. Battoir.
Répète, répète un peu, répète beaucoup en fait, pour coller le masque.
Pour coller le masque, répète.
Heurtoir.
Répète un peu ?
Répète beaucoup.
Battoir.
Tance, tance. Lisse et appuie, tasse et tape.
Frotte, bute, happe. Batte. Heurte.
Nourri du retour, retour de la boucle, échafaude spirale, échafaude bande, échafaude toute la bobine du spectacle, avec son grappin.