L’un des textes de ma traduction d’Aujourd’hui la mer, de Carlos Futuna.
Aujourd’hui la mer est grosse.
Pleine, plus pleine que d’habitude. Et d’habitudes moins solides, moins physiques.
De ces jours où tu ne ferais que manger du thon en boîte.
Qu’est-ce que j’aime les pâtes, al dente, avec une boîte de thon à l’huile dessus et — comble de félonie – bien saupoudré de grana.
Il est interdit de mettre du fromage sur le poisson. Il y a une bulle du pape qui en parle dès le Trecento, c’est un péché moins véniel que la sodomie. Dans les âges plusieurs boss calabrais ont été supprimés pour avoir osé asperger leurs miettes de thon de minuscules flocons de parmesan.
Chaque fois que je le fais devant T. elle lève les yeux au ciel puis me les plante, noirs, dans le torse. Chaque fois que je le fais, j’éprouve un malicieux plaisir, un très charnel plaisir que redouble le goût parfait et rayonnant du fromage avec le poisson en bouche.
Quand il n’y a plus rien à faire, il reste les pâtes au thon. Quand il n’y a plus rien à faire, il reste le fromage sur le poisson.