Aujourd’hui la mer est piquante.
Je m’enfermai tout le jour avec Chosta. Qui en avait à me raconter.
Il en revenait. Il était plein de la steppe et de sa boue.
Des loups, des bouleaux et des pins, et la raspoutitsa aux basques.
Qu’est-ce que tu crois, moi le latino et lui le soviétique ici sur le rebord ligure ?
Si c’est pas des étincelles ?
Parfois il s’emportait dans de vaste courbes lyriques, des barques de mots brefs et rondelets comme du poulet rôti. Mais le plus souvent c’était un sautillement de merle, avec un camaïeu d’écailles, comme du houblon, du porc-épic.
Vers la fin de la journée il devenait plus distinct – mais pas moins sombre. S’il s’enflammait dans sa boîte, son foyer, comme des journaux des allumettes, il avançait doucement, à la manière de troupes dans la merde durant la guerre, secondait de l’artillerie aveugle des camarades qui te défoncent parce qu’ils ne te voient pas, ou de l’aviation qui ne fait pas de cadeau (« c’est pas humain ces trucs »).
Il ne lâchait pas son but, malgré les débordements lyriques ou poétiques dont il était coutumier.
Pour ça il avait le verre fort.
Le Russe, l’Argentin, on ne résumait pas au ratafia. Spin avait tout un réseau mexicain, via un colombien de la rue de Pré.
Ça mescalait pas mal, et nos esprits d’escaliers s’entortillaient comme des limaçons.
Ça ! On faisait la paire.
Michaux Artaud faisaient pas le poids.
On écrivait des poèmes ensemble, chemises ouvertes, sur les galets.
Puis on se trempait entier, les garde-côtés nous engueulaient.
La gabians nous ramassaient à l’aube.
La mer effaçait les traces de notre passage.