Aujourd’hui la mer est un animal de poussière.
Au fond de l’animal un autre animal, et ainsi de suite jusqu’à une série de petites particules insignifiantes. C’est L qui me raconte cette histoire.
Elle a fait ce rêve : « j’étais avec un client. Je n’éprouvais rien. La routine. Soudain je comprends qu’il n’est pas avec moi, mais avec une autre que moi, mais qui est en moi. Une autre que moi en moi qui patiente, qui attend que ça passe. C’est pas facile à expliquer. Mais cette autre que moi, cette autre moi s’ennuie, mais elle sent confusément que le type n’est pas avec elle, n’est pas en elle, mais avec et en une autre encore, à l’intérieur d’elle. Ça devient dingue. Le type est toujours là, plus imposant que jamais — même moi je le vois, je le sens peser sur moi, sa bedaine sur la mienne, nos peaux contre peaux.
Et ainsi de suite, il y a toujours ‘une plus petite que moi’. Je ne sais pas quoi faire, faut que ça passe, c’est souvent comme ça, faut que ça passe, c’est pas pire que d’habitude.
Et puis à un certain moment, j’ai toutes ces peaux, tous ces dedans de moi, toutes ces autres qui s’évanouissent en une infinitésimale chose, pas même un blob, un os de seiche. Mais plutôt du sable, des grains de sables. Et ces grains de sable, c’est pas nous, c’est pas moi. C’est de la matière brute. Et minuscule, qu’on peut pas attraper, à peine voir.
Je me suis réveillée. J’étais bien. Presque j’ai ressenti quelque chose comme. »
Elle hésite longtemps. Toute la cendre de sa clope est à un fil de venir s’étaler sur la table.
« Je sais pas. »
Plaf, la cendre, sur toute la table.
Et dans une inspiration, comme font les putains de fumeurs : « de l’amour ? »